Misato Mochizuki (*1969) Intermezzi V
[va,acc] 2012 Duration: 10'
World premiere: Osaka/Japan, Phoenix-Hall, February 23, 2013
32 pages | 23 x 30,5 cm | 149 g | ISMN: 979-0-004-80338-7 | Saddle Stitch
The “Intermezzi” cycle (I for flute and piano; II for solo koto; III for solo percussion; IV for clarinet and piano as a prelude to Brahms' Sonata op 120/1; and V for viola and accordion) was inspired by Roland Barthes' (1915-1980) theory of “fragmented discourse”. Many of his books are written without a predetermined order of argument, and feature a multitude of different themes that follow one another, creating unexpected associations as you read. This rhetorical form embodies the simultaneity of several levels of thought, the mutual collision and densification of concepts. In a constantly shifting terrain, the attentive reader has no choice but to generate a new kind of synthesis. Little by little, through small steps of thought, a unified view is prepared; it is accomplished precipitously and crystallizes into a new perspective. Perhaps this is an elegant way of grasping the unfathomable by accumulating the multiplicity of its manifestations in a comprehensible way. In the way my music is perceived, I seek a similar experience that disengages me from strict planning of compositional form and technique. My musical ideas have the appearance of improvisation, of an uncalculated process: my music takes on its meaning only in the exact moment when the events unfold.
So when I began composing “Intermezzi V” in 2013, the first thing that came to mind was the principle of biogenesis, the theory that a single life cycle of an animal reproduces in condensed form the evolution of its species as a whole. This image enabled me to apprehend the unusual viola/accordion combination in terms of its evolution over time: the viola is both a new and an old instrument, existing since around the 16th century, although standardization of its form and role, particularly as a solo instrument, has only been established relatively recently. As for the accordion, while it only took shape in the early modern era, its fundamental concept dates back some 2,500 years to the Shô, an ancient Asian mouth organ consisting of a circle of bamboo pipes.
I wonder whether these evolutions are as linear or unidirectional as they appear; rather, I imagine that they proceed by simultaneous derivations in various directions, equal and isotopic, in the image of biogenesis, where all species have the same status and rank. It's a bit like “YouTube”, a virtual space where past and present converse, and where the various constituent elements of our world can come together. It resonates with “the multiple ways of thinking that fragmented forms give rise to, and the laws of visual perspective that derive from the multiplicity of points of view”, so dear to Roland Barthes.
(Misato Mochizuki)
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Le cycle « Intermezzi » (I pour flûte et piano ; II pour koto solo ; III pour percussion solo ; IV pour clarinette et piano en prélude à la Sonate op 120/1 de Brahms ; et V pour alto et accordéon) a été inspiré par la théorie du « discours fragmenté » de Roland Barthes (1915-1980). Nombre de ses livres sont écrits sans ordre argumentaire prédéterminé et en comportant une multitude de thèmes divers qui se suivent ; des associations inattendues se dessinent ainsi au fil de la lecture. Cette forme rhétorique incarne la simultanéité de plusieurs niveaux de pensée, la collision mutuelle et la densification des concepts. Sur un terrain en perpétuel mouvement, le lecteur attentif n'a d'autre choix que de générer un nouveau type de synthèse. Petit à petit, par le biais de petits pas de pensée, une vue unifiée se prépare ; elle s'accomplit précipitamment et se cristallise dans une perspective nouvelle. Il s'agit peut-être d'une manière élégante de saisir l'insondable en accumulant de manière compréhensible la multiplicité de ses manifestations. Dans la manière dont ma musique est perçue, je recherche une expérience similaire et qui me désengage de toute planification stricte de la forme et de la technique de composition. Mes idées musicales ont l'apparence de l'improvisation, d'un processus non calculé : ma musique ne prend son sens qu'au moment même où les événements se déroulent.
Aussi lorsque j'ai débuté la composition des Intermezzi V en 2013, la première chose qui m'est venue à l'esprit est le principe de la biogenèse, théorie selon laquelle un seul cycle de vie d'un animal reproduit de manière condensée l'évolution de son espèce dans son ensemble. Cette image m’a permis d’appréhender la combinaison peu habituelle alto/accordéon en regard à son évolution dans le temps : l'alto est à la fois un instrument nouveau et ancien, existant depuis le XVIe siècle environ, bien que la standardisation de sa forme et de son rôle, notamment en tant qu'instrument soliste, ne se soit établie que relativement récemment. Quant à l’accordéon, s’il n'a pris forme qu'au début de l'époque moderne, son concept fondamental remonte à quelque 2500 ans, au Shô, un ancien orgue à bouche asiatique composé d'un cercle de tuyaux de bambou.
Je me demande ainsi si ces évolutions sont autant linéaires ou unidirectionnelles qu’elles n’y paraissent ; j’imagine plutôt qu’elles procèdent par dérivations simultanées dans diverses directions, égales et isotopiques, à l’image de la biogénèse, où toutes les espèces ont le même statut et le même rang. C’est un peu à l’image de « YouTube », espace virtuel où dialoguent le passé et le présent et où des divers éléments constitutifs de notre monde peuvent se réunir. Cela résonne avec les « multiples façons de penser que les formes fragmentées font naître, et les lois de la perspective visuelle qui découlent de la multiplicité des points de vue », si chères à Roland Barthes.
(Misato Mochizuki)